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lundi 7 mars 2011

Die Hard en Syldavie

Après la mort des époux Ceauscescu, les médias avaient longuement montré le marbre dans leur salle de bain. Après la chute de Marcos, aux Philippines, on avait jasé sur la collection de chaussures de sa femme, Imelda. Et puis, il y a eu les millions en France et en Suisse de Bokassa, de Duvalier, d'Houphouet, ...

C'est fini tout cela. Aujourd'hui, un petit joueur comme Ben Ali prend 3 milliards, un Moubarak 40, et on parle de 120 pour Khadafi. On évoque 40 pour Poutine. Pour la Chine, on ne sait pas, mais vu la taille de l'économie, on peut imaginer quelques "belles réussites".

Comme toujours, quand on parle de milliards, on a du mal à se faire une idée. Voici quelques éléments, tirés du classement Forbes (qui va avoir besoin d'un lifting).

En 2010, les plus grandes fortunes mondiales, c'était, en gros (j'arrondit tout à la dizaine de milliards, on ne va pas chipoter):

- un trio de tête (Slim, Gates, Buffet), tournant dans les 50 milliards de dollars
- une quinzaine de familles entre 20 et 30, avec des gens comme Mittal et Bernard Arnault, Liliane Bettencourt est dans les 20,
- un petit millier de fortunes entre 20 et 1, la famille Dassault vers 8, les Bouygues vers 3, Bolloré un peu au dessus de 1...

Les fortunes de dirigeants (à l'exception de Ben Ali, décidément, il était pas doué, Ben Ali) les placent donc dans le Top 5 mondial, voire, pour Khadafi (et même si les estimations doivent être divisées par deux) au sommet.

A l'heure de la lutte contre le blanchiment, il semble très douteux que de telles sommes (qui n'étaient certainement pas déposées à la Caisse d'Epargne de Tripoli, au Crédit Municipal du Caire, ou à la Banque Populaire de Moscou) soient restées inconnues des dirigeants occidentaux.

Il semblerait donc logique qu'un débat naisse, en Europe, en Amérique du Nord, sur le soutien passif qu'on apporte à ces régimes, les moyens d'y mettre fin, et sur l'attitude à tenir vis à vis de ce genre de pratiques.

Et cela pose une question intéressante sur ces régimes autoritaires dont on nous répète à l'envi qu'ils sont une alternative viable à nos démocraties essoufflées. S'il apparaissait finalement que le propre de ces régimes émergents, c'est justement le fait qu'un petit nombre profite de l'absence de transparence du système pour s'accaparer la richesse nationale, ne devrait on pas les combattre, ou tout du moins ne pas leur donner sur la scène internationale un poids qu'ils ne méritent pas ?

Parce qu'au fond, quelle est la différence entre la Birmanie et sa Junte, et l'Egypte, ou la Russie? Pourtant, celle-ci est au ban de la société internationale, alors que celles là sont considérées comme des interlocuteurs viables. Peut-on imaginer que des individus qui agissent de la sorte avec leur pays puissent jouer un role constructif dans les institutions internationales?

Je sens qu'à ce point, on va m'accuser d'imposer des "normes occidentales", ou me dire "oui mais vous" (enfin, là, je ne risque pas grand chose: personne ne lit ce blog). Aux normes occidentales, j'aurais tendance à répondre qu'on est justement ici dans le cas inverse : ce sont les Lybiens, ou les Egyptiens, pas la CIA, qui chassent leurs brigands en chef, pourtant soutenus par l'occident. Et les principales critiques contre la corruption chinoise ne viennent pas de Paris ou de Washington, qui semblent s'en accommoder, mais de Chine.

"Oui mais vous", c'est le thème de cet article. Si Moubarak avait accumulé quelques millions, ce serait choquant, mais classique. C'est parce que ces fortunes n'ont pas de sens commun, et font de n'importe quel dictateur de province une des premières fortunes mondiales qu'on en parle.



Pourquoi Die Hard? Parce que c'est au fond comme dans les quatre films de la série : le méchant prétend toujours agir pour des raisons politiques, mais à la fin, on se rend compte que c'est juste un grand cambriolage.

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