DouteA l'époque, le blog de Duo Yu avait été fermé. C'était juste après le Nobel de Liu Xiaobo, et il y avait été un peu fort... Du coup, je n'avais plus accès à ses poèmes récents. Mais je voulais traduire du Duo Yu, alors j'avais trouvé des "vieux" poemes, sur un site...
Il piétine mon ombre avec férocité
Et mon cœur se serre
Je lève les yeux, j’aperçois ce visage
Moitié sourire, moitié noirceur
Narines dilatées qui sentent un peu la pourriture
Il pointe du doigt, devant nous
Alors je baisse la tête
A cet instant, le soleil est terrible
Et mon ombre toute petite
Je ne sais pas si ma traduction est fidèle... Je sais qu'elle n'est pas complètement fausse, mais elle donne une interprétation, mon interprétation, du texte chinois.
Ce poème me parle parce qu'il évoque l'insatisfaction qu'on ressent, quand on vieillit, vis à vis de ce que l'on fait. Ce visage moitié sourire moitié noirceur, c'est moi, qui regarde mon travail, le méprise, et m'humilie, piétinant mon ombre. Ce poème me plait parce qu'il parle de l'âge. Au fond, la jeunesse, c'est cette certitude naive que tout ce qu'on fait est bien, et digne d'intérêt. Les années amènent le doute, puis le mépris. La vieillesse, c'est le moment où l'on préfère se taire.
Yu Jian dit la même chose, mais plus gentiment:
Quand on travailleJe crois que je préfère l'âpreté de Duo Yu.
Il y a toujours quelque chose, derrière ou à coté
Qui regarde sans dire un mot
Ou bien fait des grimaces
Mais dont on n’a pas le temps de s’occuper
Peut être que c'est quelque chose n’a pas encore de langue
Peut être, quand j’aurai terminé
Il lui en poussera une
Je ne sais pas si ma traduction est fidèle. Je pourrais interroger l'auteur, mais je crois que je n'en ai pas envie... Peut être que ce que j'aime dans la traduction, c'est justement le mélange de cette irresponsabilité de n'être pas l'auteur, et de cette infidélité potentielle.
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